Le mystère de ma naissance
Je commence ce journal, à Versailles, en ce 2 mai de l'an de grâce 1710. Personne ne connaît mon vrai nom et je suis né de parents inconnus.
Olivier le Vôtre est un patronyme donné par moquerie, par des courtisans qui ignoraient le nom de mes parents et qui me voyaient jouer dans les jardins du château de Versailles, parc créé par Monsieur Le Nôtre. Me désignant aux uns et aux autres, en riant, ils s'écriaient, fiers de leur jeu de mot : "Est-ce le vôtre ?"
Élevé par des serviteurs attendris par ma petite bouille toute ronde, mangeant en cuisines, j'ai tout appris auprès d'un commis de Monsieur Colbert, Albert Dupin. A sa mort, j'ai été pris à la Maison du Roi, qui commande la Marine et toutes les affaires sensibles du royaume. Bourreau de travail, apprécié pour ma discrétion, comprenant vite, mes responsabilités sont maintenant, à 41 ans, celles que l'on confierait à un noble de grande famille.
La rumeur prétend que mon père était un puissant seigneur. J'ai l'impression que des mains cachées me protègent et que d'autres travaillent à ma perte. D'où vient l'horrible cicatrice que j'ai au cou depuis ma plus tendre enfance ? Pourquoi le roi s'est-il écrié un jour, au moment de signer ma nomination, que j'étais forcément doué pour les chiffres et les finances ?
Le soir je rêve de mes origines, au fur et à mesure que de nouvelles rumeurs viennent éclairer ou obscurcir mon passé... qui est aussi mon avenir.
Jean-Baptiste Colbert de Seignelay, fils du grand Colbert. Une rumeur prétend que ce puissant seigneur, mort il y a vingt ans, serait mon père.